Témoignage
Témoignage

Marie-Laetitia & Laurence

« Nous sommes tellement demandeurs de travailler que nous ne comptons pas nos heures »

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Comment s'est déroulée l'annonce de la SEP ?

Marie-Laetitia

Depuis juillet 2000, et pendant une dizaine d’années, j’ai connu des soucis de santé divers, dont une majeure partie sur la sphère neurologique.
Mon généraliste m’a orientée en médecine interne, et l’interniste à son tour en neurologie où j’ai fait les examens d’usage. IRM, potentiels évoqués, bilans sanguins. Ma ponction lombaire marquait une forte inflammation du système nerveux central mais, sur le plan clinique, je n’avais « que » des poussées sensitives et cette fatigue omniprésente. Le neurologue m’a annoncé que j’avais bien « quelque chose ». Ce n’était donc pas « dans ma tête », ce qui est en soi appréciable à entendre. Le médecin m’a précisé que les effets secondaires d’un traitement immunosuppresseur seraient sans doute plus gênants que les symptômes que je subissais, et que tant que la situation clinique resterait stable, il n’en voyait pas la nécessité. C’était la phase que j’appelle la « sclérose en plaNques ». Je voyais le Professeur une fois par semestre, avec de nouvelles IRM et bilans sanguins. La maladie est ainsi restée plus ou moins stable et d’apparence bénigne plusieurs années.
Et puis, j’ai fait une « forte poussée », dont je garde encore des séquelles. Mon neurologue a, très doucement et avec beaucoup de précautions oratoires, posé des mots auxquels je m’attendais finalement. « Je pense, on l’a vu au fil des IRM et à la ponction lombaire, que vous avez quelque chose au niveau du système nerveux central, quelque chose qui ressemble à une sclérose en plaques. Maintenant qu’on commence à avoir plus de certitudes, et que vous avez des atteintes plus gênantes, il faudrait démarrer un traitement contre ce que vous avez ». C’est un médecin extrêmement précautionneux et empathique.

Laurence

En ce qui me concerne cela ne s’est pas tout à fait passé comme cela. J’ai en même temps appris que j’avais une nouvelle collaboratrice qui rejoignait notre équipe, qu’elle reprenait une nouvelle activité professionnelle après à la fois un bilan de compétences et un arrêt de travail prolongé, et qu’elle serait en télétravail en raison de sa santé…. Cela faisait beaucoup de challenges, beaucoup de questions, mais j’avoue que pour moi la question c’était plutôt de savoir si notre collègue allait s’adapter à son nouveau job, qui plus est, à distance, en télétravail pour la plus grande partie de son temps, et au sein d’une direction de la communication dans laquelle l’activité était passionnante mais très dense. Très sincèrement pour moi la SEP n’était pas un sujet, non pas que je ne la prenne pas en compte, bien au contraire, mais sans doute parce que dans une vie professionnelle antérieure j’avais eu la chance de côtoyer des associations de patients, des enfants malades, des bénévoles, toujours très impliqués, très engagés, qui m’avaient apporté une énergie folle et beaucoup appris ! J’avais pu également mesurer leur détermination, leur énergie, leur engagement sans faille.

Quels ont été les effets immédiats liés à cette annonce ?

Marie-Laetitia

Aucun effet immédiat. J’ai mis du temps à en parler au travail, d’autant que rien ne se voyait.

Laurence

L’information a été amenée très naturellement par notre directrice de la communication, puis au sein de l’équipe. Une fois encore, j’insiste sur le fait que nous étions plus préoccupés par la bonne intégration de ce nouveau poste dans notre direction, que par les contraintes liées à la maladie. Peut-être parce que la diversité dans toutes ses formes est au cœur de l’institut dans lequel nous travaillons, avec des profils, des personnalités, des parcours très différents. Nous avons même plus de 100 nationalités différentes au sein de notre organisme ! Le suivi et la coordination se sont mis en place naturellement avec les ressources humaines, d’autant que notre collaboratrice était elle-même très active et très informée pour mener les actions nécessaires, souvent longues et complexes parfois sur un plan administratif, et pour faire le lien notamment entre la médecine de ville, la médecine hospitalière et la médecine du travail.

Quels ont été les besoins exprimés/évalués suite à cette annonce ?

Marie-Laetitia

Lorsque j’ai finalement décidé d’en parler, parce que la fatigue devenait ingérable, le premier accueil a été désastreux. J’ai demandé des jours en télétravail, un allègement de poste et j’ai signalé que ma charge de travail avait augmenté avec le départ d’une collègue. J’ai fait la demande de connaissance de qualité de travailleur handicapé (RQHT) dans l’espoir de voir mes demandes et besoins pris en compte. Mais hélas à ce moment-là rien n’a bougé. J’ai été en arrêt maladie pendant 4 ans. J’avais à peine 40 ans, il était hors de question pour moi de rester en-dehors du monde du travail !! J’avais encore tout à vivre !

Lorsque j’ai souhaité et pu revenir, les équipes et les mentalités avaient changé. L’institut lui-même, en 4 ans, avait profondément évolué. Le télétravail s’y était largement développé. J’ai parlé avec l’assistante sociale des options existantes, car je ne me sentais plus capable d’assumer mes anciennes fonctions de juriste marchés publics, qui demandaient des capacités – de concentration et de mémorisation et une mise à jour constante des connaissances – que j’avais perdues, et me causaient un stress constant auquel je savais ne plus pouvoir résister. LA RH s’est renseignée et m’a appris que la réalisation d’un bilan de compétences était aussi possible dans le secteur public, et c’est donc ce que j’ai demandé. Il se trouve que depuis ma demande de reprise, c’est aussi ce à quoi la Directrice des RH avait pensé. J’ai donc été adressée par l’institut, et j’en suis très reconnaissante, à la bonne personne : spécialisée dans le maintien ou le retour à l’emploi des personnes handicapées. Durant deux mois, nous nous sommes vues régulièrement et le bilan de compétences s’est peu à peu esquissé. Au cours d’une réunion de travail proposée par la consultante, et mettant en présence tous les acteurs mobilisés sur le sujet de ma réintégration, (médecin de prévention, assistante sociale, RH) et au vu des compétences détectées par le bilan, une piste qui en ressortait a été explorée par la responsable RH. Elle correspondait également aux centres d’intérêt que j’avais pu bien individualiser et identifier. La DRH a donc présenté la situation à la Directrice de la communication. Après un entretien avec celle-ci, j’ai été intégrée d’abord à titre d’essai. En effet, elles n’étaient pas certaines que la charge de travail et l’organisation seraient envisageables en pratique, et que je saurais répondre aux attentes correspondant à ce poste.
À l’issue de cette période, qui devait durer plusieurs mois mais s’est très vite réduite car les choses se sont mises en place rapidement, j’ai été affectée de manière pérenne. Au sein de cette nouvelle équipe, je me suis tout de suite sentie à ma place et j’ai été immédiatement intégrée. Il n’y a jamais eu de misérabilisme, ce qui est fondamental, mais juste ce qu’il faut d’empathie pour que j’ai la latitude de dire, certains mauvais jours « je crois que je vais plutôt faire de la correction aujourd’hui (ce qui est chez moi une seconde nature et me demande donc peu d’énergie) que du rédactionnel parce que je suis trop fatiguée ». Vraiment, tout a été mis en place pour m’aider, et cela reste d’actualité aujourd’hui.
D’après ce que je lis, ce qu’on me rapporte, les questions qu’on me pose, les témoignages de malades exclus de l’emploi, je sais que ma situation est réellement exceptionnelle; elle ne devrait pas l’être. Le médecin du travail et l’assistante sociale qui travaillent avec moi, m’ont soutenue de bout en bout et se sont faites l’interface avec les RH. C’est en partie grâce à elles, qui se sont jointes à toute cette chaîne d’acteurs et qui se sont mobilisés et ont tout mis en œuvre (financement, adaptation du poste de travail) pour soutenir ce projet, que j’ai pu reprendre mon activité professionnelle.
En retraçant mon parcours, je mesure ma chance, et la grande positivité des personnes qui ont su me faire confiance. Peut-être parce que nous travaillons dans un institut tourné vers l’avenir, et au sein duquel le handicap n’est pas un tabou mais un sujet comme un autre ?

Laurence

Avant de rejoindre notre équipe, dans le cadre du suivi lié à sa maladie, et pour lui proposer une évolution professionnelle, notre collaboratrice a été mise en relation par notre direction des ressources humaines avec un cabinet spécialisé dans l’accompagnement et le maintien dans l’emploi de personnes en situation de handicap. Elle a bénéficié d’un bilan de compétences et d’un accompagnement personnalisé. A l’issue de cet accompagnement, le cabinet a souhaité rencontrer notre institut, Inria, afin de trouver des solutions pour son retour à l’emploi au sein de l’Institut. La Responsable RH a indiqué aux vues de ses compétences qu’un poste à la Direction de la Communication était susceptible de correspondre à son profil. Aussitôt son CV a été envoyé à la Directrice de la Communication qui l’a ensuite rencontrée ainsi que la personne du cabinet. Notre collaboratrice a alors effectué une mobilité sur un poste de « secrétaire de rédaction ». Le médecin de prévention, l’assistante sociale et le correspondant handicap du Siège en lien avec elle ont proposé des aménagements de son poste de travail en adéquation avec sa problématique de santé. Il a été préconisé qu’elle effectue son activité en télétravail à 95% de son temps de travail et que un jour par mois elle vienne passer la journée au siège de notre organisme (déplacement en taxi pour moins de fatigue) au sein de la direction dans laquelle elle allait travailler (maintien du lien social avec ses collègues, point sur son activité, participation aux réunions…). Au sein de l’équipe de la Direction de la Communication nous avons surtout réfléchi à l’intégration de notre nouvelle collègue avec les contraintes de la distance et d’une présence sur site une fois par mois, parfois moins. Mais très vite nous avons trouvé notre rythme, avec des points téléphoniques réguliers, et de nombreux échanges de mails, pour partager une bonne vision de l’activité et des besoins.

Quelles dispositions ont été prises d'un point de vue organisationnel et quels aménagements spécifiques ont été mis en place ?

Marie-Laetitia

Comme je l’ai évoqué précédemment, je suis en télétravail. Je ne vois mes collègues ou d’autres collaborateurs qu’une fois par mois, journées durant lesquelles j’organise tous les entretiens incontournables. Parfois, il s’écoule plus de temps entre deux déplacements sur site, lorsque mon état ne me permet pas de faire les trajets sans m’épuiser.
Cela demande un bon sens de l’organisation ; une capacité à travailler en équipe et à savoir rendre compte de ce que l’on fait ; une gestion de la transparence ce qui facilite le travail pour chaque personne. Chaque tâche que j’entreprends est consignée dans un fichier en partage avec tous, et consultable. Cela permet à mes responsables de connaître ma charge de travail, et comme la maladie affecte ma mémoire immédiate, c’est pour moi un outil indispensable. Rendre compte de ce que l’on fait, lorsqu’on est en télétravail, ne doit pas être vu comme une contrainte, c’est une nécessité, au démarrage pour créer une relation de confiance, et à l’usage, pour les uns et les autres, pour avoir une vision globale en un seul coup d’œil sur la charge de travail.
Ma responsable précédente (celle qui va répondre pour la partie employeur) a toujours veillé scrupuleusement à maintenir une charge de travail en cohérence avec mes capacités physiques : j’aurais tendance à vouloir trop en faire, trop apprendre, à la fois car tous les aspects de la chaîne communication m’intéressent, et pour prouver que j’ai bien ma place.
Par ailleurs, du point de vue matériel : un ergothérapeute est venu chez moi et m’a permis de choisir un fauteuil adapté pour minimiser l’impact de la position assise sur mes douleurs neuropathiques. Je bénéficie également d’un ordinateur portable à très grand écran et d’un dispositif me permettant de le mettre à hauteur d’yeux, ainsi que d’une souris Rollermouse car je ne peux plus utiliser ma main droite au-delà de quelques minutes. Par ailleurs, j’ai un deuxième ordinateur portable et un poste de travail avec très grand écran sur site, pour les jours où je m’y rends.
Du point de vue du temps de travail, j’avais repris à 100% et j’ai tenu bon un an… mais il devenait difficile de poursuivre dans ces conditions l’ensemble des suivis paramédicaux et médicaux dont j’ai besoin et pour lesquels j’épuisais tous mes jours de congé. J’ai donc fait la demande, qui a été transmise au Comité médical départemental des Yvelines (rattaché à la DDASS), de ce que l’on appelle un « congé longue maladie fractionné« , et il m’a été accordé pour une période d’un an. Je suis actuellement en fin de période et j’ai donc refait une demande : je vais repasser devant un médecin expert, mon dossier sera réexaminé en comité etc. Ce dispositif m’accorde, sur une période de 4 ans, 365 jours ouvrables utilisables à des fins médicales, sans passer par un médecin et un arrêt maladie.
Cela n’a pas d’impact sur mon salaire (mais réduit mes primes d’autant en revanche). En pratique, je peux disposer pour raisons médicales ou pour compenser la fatigue d’1,7 jour par semaine. Chaque intervenant auquel je fais appel – kinésithérapeute, médecin de la douleur, neurologue, psychiatre, etc. – a ses propres jours de rdv, et pour pouvoir composer avec ces différentes contraintes, le CLM mis en place par l’Institut me permet de « poser » 1 ou 2 jours par semaine, selon un dispositif spécifique. Pour me rendre sur site, et du fait que je n’ai pas le permis, le FIPHFP et l’institut financent mes déplacements en taxi conventionné. Cela représente une heure à une heure et demie par trajet, donc un coût certain pour l’institut, mais cela contribue à maintenir le lien.

Laurence

Sur le plan matériel, dans un premier temps, un certain nombre de solutions de compensation du handicap de notre collaboratrice ont été mises en place et du matériel plus adapté à ses capacités fonctionnelles a été acheté. Ensuite, une étude de poste a été réalisée à son domicile par la Sameth (service d’appui au maintien dans l’emploi des personnes handicapées) qui a identifié après quelques mois d’activité en télétravail de nouveaux besoins. Le correspondant handicap en lien avec la Sameth a procédé à l’achat d’une souris roller mousse limitant les contraintes liées au travail en amplitude du bras droit et à la préhension de la souris, d’un clavier déporté, d’un support de PC portable pour régler la hauteur de l’écran et réduire les contraintes liées à la flexion de la nuque et du dos lors du travail sur écran et un siège ergonomique disposant d’un dossier avec soutien lombaire réglable et accoudoirs. Sur le plan organisationnel, notre institut venait de mettre en place le télétravail, j’avais également été habituée à avoir des collaboratrices en télétravail deux jours par semaine dans mon entreprise précédente… là c’était un peu plus que deux jours, donc il fallait apprendre à travailler différemment…mais cela s’est fait sans problème. Et surtout, l’implication de notre collègue a fait tomber très vite les appréhensions qui pouvaient exister. Il est clair qu’il faut une bonne organisation, des agendas partagés, un suivi de l’activité, de la rigueur. Mais quand cela fonctionne bien, ce qui est le cas, cela nous permet de savoir exactement quand notre collègue est disponible, et quels jours elle ne l’est pas, dans le cadre de son congé longue maladie fractionné. Il faut par contre de temps en temps rappeler quelques règles au sein de l’équipe. Car notre collègue a su tellement bien s’intégrer qu’on a tendance parfois à oublier les contraintes médicales, la fatigue qui peuvent survenir.

Avez-vous un conseil pour les entreprises qui font face à cette situation ou qui recrutent une personne atteinte de la SEP ?

Marie-Laetitia

N’ayez pas peur ; nous sommes tellement demandeurs de travailler que nous ne comptons pas nos heures ! Nous sommes tellement reconnaissants qu’on nous laisse notre chance, que nous sommes encore plus motivés que les personnes valides ! La maladie nous fait énormément relativiser les difficultés de la vie, ce qui nous rend très positifs, dans nos échanges avec les collègues et dans notre manière d’aborder les problématiques. Nous nous adaptons à énormément de situations, de propositions, de demandes ou d’exigences, pour « avoir le droit de travailler » ! Je peux vous l’assurer, c’est infiniment plus pour exister, faire partie du monde de travail que pour le salaire. Vous ne trouverez pas plus motivé/e qu’un travailleur handicapé. En moyenne, il semble que nous SEPiennes et SEPiens ne sommes pas plus absents que les personnes valides ; cependant, il est indéniable qu’en périodes de poussées nous nous absentons parfois plusieurs semaines. Mais pour une personne chez qui la maladie est stabilisée, et c’est le but des traitements lourds qui nous sont administrés, les poussées sont très rares. Et comme nous sommes particulièrement suivis médicalement, le moindre rhume est très bien soigné.
Après une poussée, la reprise demande de respecter son corps et ses exigences, ce qui n’est pas forcément simple, car l’envie est forte de compenser au maximum notre absence et la surcharge de travail dont nous sommes responsables vis-à-vis de nos collègues.

Laurence

Je dirais que comme dans toute équipe, ce sont avant tout les compétences du collaborateur ou de la collaboratrice qui doivent primer. C’est l’essentiel. Cela oblige aussi sans doute à se remettre un peu en question en termes d’organisation, prendre le temps d’écouter l’autre, s’adapter – mais au moins cela nous ramène aussi à nos vraies valeurs ! Notre collègue a su s’intégrer tellement vite et tellement bien dans l’équipe qu’on en oublie qu’elle est le plus souvent à distance. D’ailleurs finalement, quand on travaille sur un même site, est-ce que l’on se voit si souvent ? effet pervers ou magique du mail ou du téléphone, mais cela permet des relations efficaces et fluides ! Et les jours où elle est présente sur site, nous avons l’impression de nous retrouver aussi facilement et naturellement que si elle était présente physiquement au quotidien. Ce n’est pas pour autant qu’il faut tomber dans l’excès inverse, nier la maladie. Il y a des temps de fatigue, des périodes pendant lesquelles c’est plus dur de lutter, des périodes de soins, et qu’il faut respecter et prendre en compte. Et alors ? quand on le veut vraiment, c’est avant tout une question d’organisation. A mon sens, ce sont les différences, de quelque origine qu’elles soient, qui font la richesse d’une équipe.

Y a t-il une anecdote sur votre collaboration que vous souhaitez partager ?

Marie-Laetitia

Je ne vois mes collègues qu’une fois par mois en moyenne. Et pourtant, à chaque fois, le repas pris en commun et le travail cette journée-là, sont comme des petites fêtes. J’ai parfois l’impression d’être une espèce de mascotte, les collègues viennent me voir, me demandent des nouvelles, on rit beaucoup. Nous échangeons beaucoup par mail ou par téléphone, et les fois où nous nous voyons, j’essaie toujours d’apporter ma bonne humeur et ma positivité.
Lorsque je suis en arrêt maladie, j’ai souvent des petits mails dans ma boîte, qui me demandent des nouvelles, j’ai reçu une carte postale signée par tout le monde, etc. C’est un soutien précieux. Avec la progression de la maladie, ma présence sur site est de plus en plus difficile mais je crois que nous avons trouvé les bons outils pour compenser et surtout les bonnes personnes pour que le contact reste préservé et d’excellente qualité. A cause d’une hyperalgie à la main droite (toute sensation est transformée en douleur), je porte en permanence un gant ou une mitaine. Je crois que ce petit look Mickael Jackson a intrigué pas mal de monde : « à quoi ça te sert ? » est la question qu’on m’a le plus posée.

Laurence

Ce n’est pas vraiment une anecdote que je souhaite partager, mais « juste » le plaisir au quotidien de travailler avec une collègue impliquée, motivée, compétente, et avec qui en plus, par le plus grand des hasards nous partageons des valeurs et des passions communes, notamment pour nos filles (nous sommes toutes deux mamans, chacune de deux filles), pour nos chats et pour les figues !

Si vous aviez un conseil à donner à une personne touchée par la SEP qui souhaite continuer à travailler, quel serait-il ?

Marie-Laetitia

D’en parler le plus franchement du monde. Même si les gens ne mettent pas de nom dessus, dans le meilleur des cas ils devinent que vous êtes malade et une distance se crée à cause de ce que vous-même traitez inconsciemment comme un secret honteux, et dans le pire des cas vous courez le risque que votre immense fatigue – très tôt dans la maladie très handicapante – soit mal interprétée et considérée comme une forme de paresse. Mais surtout : faites-vous aider dans vos démarches. Chaque étape demande une maturation, une réflexion, représente un cap et souvent un deuil. Ainsi la demande de RQTH, puis sont obtention, la demande puis l’obtention de la carte de stationnement prioritaire, l’attribution d’un taux d’invalidité, le recours à une béquille, au fauteuil roulant, qui sont des jalons par lesquels beaucoup d’entre nous passons, sont difficiles à vivre. On a alors besoin de soutien aussi bien pour la réalisation des démarches que pour l’acceptation de nouveaux « statuts », de nouvelles atteintes, d’un corps qui s’abîme.
Pour moi les choses se sont simplifiées uniquement aux personnes formidables, qui m’ont défendue, et grâce à certains organismes ; je suis heureuse d’avoir du soutien, et d’avoir trouvé ces personnes-là. Elles ne tombent pas du ciel ; c’est un parcours du combattant, et nous disposons de très peu d’énergie, mais cela en vaut la peine. Il ne faut jamais, jamais, avoir peur de demander de l’aide. La très grande majorité des gens est heureuse d’aider, de se sentir utile, et se sent valorisée en constatant que la/le collègue handicapé est heureux et épanouit à son poste. C’est un choix tout personnel, et éminemment intime, que de décider de garder pour soi sa maladie ou au contraire d’en parler. Personne ne peut vous juger pour cela. Je peux juste rendre compte du choix qui a été le mien, de parler librement et sans tabou de la maladie, répondre aux questions, participer aux actions caritatives, aux mobilisations, faire circuler informations et documentations, etc. Depuis plusieurs années maintenant je participe à des groupes sur internet, j’ai créé des blogs, je réponds aux questions et aux peurs des personnes nouvellement diagnostiquées. Je n’ai pas choisi de vivre avec la SEP, mais je peux choisir, en partie, la manière dont je cohabite avec elle. Et mon choix est de contribuer à la rendre plus compréhensible, moins terrifiante, faire d’elle un simple événement de vie, pas son centre de gravité.

Laurence

Je pense que la vraie motivation, de tout le monde, quand c’est possible, c’est avant tout d’avoir un travail qui plait, pour lequel on a envie de se lever le matin ! Je sais que ce n’est pas simple, et que malgré les évolutions au sein des entreprises pour faciliter l’intégration des personnes en situation de handicap, ou malades, cela reste encore trop souvent un parcours du combattant. Mais quand on y parvient quelle victoire ! J’aurais juste un point de précaution : une personne atteinte de SEP (ou d’une autre maladie ou handicap) peut vouloir tout (trop) donner, en se «sur impliquant», comme pour compenser, prouver son efficacité…. Mais il n’y a pas besoin de cela pour que l’on vous fasse confiance, et ne vous sentez pas plus redevable que quelqu’un d’autre. Encore une fois je reviendrais sur le sujet des compétences, pour lesquelles on a besoin de vous ! Par ailleurs vous avez le droit d’avoir des failles, de la fatigue, des périodes de soins…il ne faut pas chercher à le nier et surtout pas à culpabiliser ! Dans la vie quotidienne vous devez composer avec des difficultés, des obstacles … à nous aussi, dans le monde du travail, de savoir nous adapter !